2 octobre 2020 - Maxime Guedj
Lorsque j’ai été invité à rejoindre IndieHosters en avril dernier, au plus fort du confinement, on pouvait ressentir une énergie très vive au sein du collectif. Un désir commun reliait tous ses membres, ancien·ne·s comme fraîchement débarqué·e·s. Il était temps de se retrousser les manches plus que jamais pour accueillir du mieux possible cette vague de télétravailleur·se·s qui déferlait.
Tout allait très vite et se passait à distance, il me fallut un petit moment pour rentrer dans la danse.
Il y avait notamment l’idée de lancer une instance mutualisée de grande envergure proposant du Nextcloud, Rocketchat, OnlyOffice et Jitsi. Mais en creux, et à force d’échanges, l’enjeu qui enthousiasmait le plus chacun·e était avant tout de faire émerger un commun.
C’est à dire de parvenir à mettre sur pied une ressource maintenue par une communauté suivant une gouvernance bien précise à même d’inscrire cet édifice dans la durée.
Et de ce côté, IndieHosters ne partait pas de zéro. Pierre et Tim avait déjà tracé un sillon plus qu’encourageant depuis sa création remontant quatre années plus tôt : quelques dizaines d’organisations, dont une de plusieurs centaines de membres, bénéficiaient déjà de leur hébergement en haute disponibilité basé sur Kubernetes.
Les rétributions qui en découlaient permettaient ainsi à Tim de se dédier à temps-plein à IndieHosters.
L’enjeu était donc de grandir pour permettre à plus de personnes et d’organisations de bénéficier des outils hébergés par le collectif. C’est à partir de là que s’est structurée la réflexion stratégique que j’ai menée chez IndieHosters. Sans rentrer dans les détails (que nous aborderons peut-être dans un futur article) et pour en venir au cœur du sujet qui nous intéresse ici, nous avons choisi dans un premier temps de nous focaliser sur la demande des organisations et l’un des axes majeurs fut notamment de répondre à l’interrogation suivante :
Quel imaginaire convoquer pour incarner l’univers IndieHosters ?
Et disons-le franchement, un hébergeur en ligne ce n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus inspirant ! Allez, sauf éventuellement pour les ami·e·s déjà convaincu·e·s de l’intérêt de la démarche des CHATONS. Mais ensuite ? La plupart des internautes sont habitué·e·s à être placé·e·s dans une posture d’utilisateur·trice qui se voit proposer des produits en SaaS. La notion d’hébergement est ainsi le plus souvent invisibilisée.
Redonner le contrôle de ses données à l’internaute nécessite donc de dévoiler ce qui se cache derrière les outils connectés qu’iel utilise. L’hébergement en fait partie mais pas que. Dans une mesure tout aussi importante, le modèle économique et le mode de gouvernance qui régissent le collectif ont aussi un impact.
Et s’il est une chose essentielle à la durabilité d’un commun, c’est bien sa capacité à fédérer une communauté de contributeur·ice·s. Et ceci passe par une forme d’accordement, comme on accorderait un instrument de musique, pour s’harmoniser ensemble. Or, en ligne, cette atmosphère passe à travers l’écran et s’expérimente selon une sensation visuelle dans un premier temps. Les mots prenant ensuite le pas.
La première impression insufflée par l’univers graphique lors d’une visite est donc déterminante pour toute personne qui nous découvrirait. La direction artistique incarne un univers, des codes et un esprit qui vont venir poser les bases de la relation qui se tissera avec un·e éventuel·le nouveau·elle contributeur·trice.
Il importe donc de réfléchir aux codes graphiques qui s’alignent le mieux avec l’état d’esprit de IndieHosters.
Et à lire notre code social (qui était en train de s’écrire dans le même mouvement grâce à Maïa), une première chose qui ressort est un désir fondamental de faire bouger les lignes. Ce n’est pas une question d’originalité pour l’originalité mais plutôt ce qui nous motive le plus. Cette caractéristique semble d’ailleurs toucher tous les domaines de IndieHosters, autant d’un point de vue technique, que gouvernance, qu’économique et donc aussi d’un point de vue esthétique.
En parallèle, j’observe qu’il y a au moins deux univers qui se sont développés ces dernières années entre le monde des startups et celui du libre. Il s’agit là plutôt d’une remarque que je partage intuitivement à force de naviguer entre ces deux mondes que le résultat d’un travail de recherche esthétique (que j’adorerais mener si j’en avais le temps !). Ceci dit, une expérience qui m’apparaît particulièrement révélatrice des codes visuels propres à chaque univers consiste à visiter le site de Framasoft face à celui de FranceDigitale. Deux associations grand public impliquées dans le développement d’une certaine vision des technologies, deux univers visuels bien différents. Deux imaginaires qui puisent dans deux visions bien distinctes de la place des technologies dans la société.
Or avec IndieHosters, l’idée serait de parvenir à toucher un entre deux, compte tenu du type d’organisations qui pourraient être susceptibles de souhaiter bénéficier de Liiibre. J’entends par là : comment tenter de toucher les tenants du style “frama” tout en développant un imaginaire suffisamment ample qui serait apte à toucher aussi les habitué·e·s du mode “startup” ? L’idée n’étant pas de “plaire à tout le monde” mais plutôt d’ouvrir une troisième voie. Il s’agit donc de tenter de prendre le meilleur des deux et le sublimer pour espérer ainsi donner toujours plus d’élan au mouvement des communs numériques.
C’est ainsi que j’en suis venu à éclairer sur la nécessité de faire appel à un·e illustrateur·trice pour mener à bien cet objectif. Après un travail de recherche d’univers graphiques adaptés et quelques entretiens, j’ai finalement proposé de faire appel à Thibault Daumain (que je connaissais bien par ailleurs à travers sa participation au collectif MailTape dont nous faisons partie ensemble).
Nous avons ensuite travaillé de concert, lui côté illustration et moi côté webdesign pour fusionner au mieux nos approches et proposer le site sur lequel vous êtes en train de nous lire. Sans rentrer dans la partie webdesign que je développerai peut-être plus tard (entre les choix techniques, la typographie, la hiérarchie de l’information, etc.. il y aurait beaucoup à dire !), je passe le relai à Thibault pour vous permettre de rentrer un peu plus dans la partie illustration.
Je remercie le collectif IndieHosters qui m’a accueilli et permis de mener ce premier travail dans une atmosphère d’écoute et de convivialité. J’espère que vous aurez trouvé autant de plaisir à lire ce premier partage d’expérience que j’en ai eu à vous la livrer aujourd’hui.
Cet article est la première partie de notre partage d’expérience autour de la nouvelle identité visuelle de IndieHosters. Dans le second article, nous entrons plus concrètement dans le processus créatif avec le partage de Thibault Daumain.